L’évaluation du poids carbone des bâtiments s’inscrit dans un cadre normatif et incitatif dans un contexte où la transition environnementale fait partie intégrante des stratégies RSE actuelles. Bien que très souvent imputée à un seul acteur, la génération du calcul ACV implique le recueillement de plusieurs données issues de tous les lots du bâtiment. Cet enjeu stratégique majeur invite de plus en plus d’acteurs à comprendre et à analyser le poids carbone des bâtiments, de façon fiable et le plus en amont possible. Le BIM offre une solution rapide, visuelle et collaborative pour atteindre des enjeux performanciels ambitieux. Néanmoins, cette intégration dépend de l’usage ACV BIM visé, des workflows BIM de l’équipe projet ainsi que de son organisation.
Cet article vise à explorer les différents usages et workflows des processus BIM & ACV, soulignant comment ils peuvent être adaptés et mis en œuvre efficacement.
Les Usages du BIM ACV
Pour réaliser une ACV liée au bâtiment, nous avons besoin de quantitatifs que l’on vient associer à des données environnementales issues de la base données INIES. Il y a donc une approche synergique obligatoire entre les différents acteurs. L’enjeu est d’obtenir la globalité des quantitatifs le plus tôt possible, de la manière la plus rapide et la plus fiable, pour suivre rigoureusement les études environnementales. En ce sens, les maquettes numériques et leurs évolutions représentent de véritables opportunités pour suivre l’impact de chaque modification et trouver des leviers d’action pour atteindre ces objectifs bas carbone.
Plusieurs usages clés peuvent être identifiés :
1) Générer et optimiser un calcul ACV à partir d’une maquette BIM :
Le BIM facilite la génération de calculs ACV à toutes les étapes d’un projet de construction, de la phase de concours à la réalisation. Voici comment le BIM rend cela possible :
- Dès la phase de concours, le BIM permet aux architectes d’intégrer des critères d’ACV, comme l’empreinte carbone des matériaux, dans leur vision architecturale. Cela aide à visualiser les impacts environnementaux et à orienter les choix de conception vers des solutions plus durables.
- Pendant la phase de conception, le BIM favorise une intégration approfondie des calculs d’ACV, guidant le choix des matériaux et des techniques constructives. De plus, les concepteurs peuvent identifier les éléments du bâtiment ayant le plus grand impact environnemental et explorer des alternatives plus écologiques. Cette comparaison de variantes permet d’optimiser l’impact carbone du projet.
- Au cours de la phase de réalisation, le BIM facilite la documentation complète des matériaux utilisés et permet de s’assurer que les équipes chantier respectent les prescriptions environnementales ou proposent les variantes les plus adaptées. Les différences peuvent être identifiées rapidement, permettant les ajustements nécessaires.
2) Suivre l’évolution d’une ACV à partir d’une maquette BIM :
Le BIM permet de confirmer que les matérialités spécifiées dans le cahier des charges sont respectées et que les matériaux choisis sont affectés aux bons endroits, garantissant ainsi l’adéquation entre la conception initiale et la réalisation finale.
- Dès la phase de concours, les équipes projet, notamment les architectes, ont besoin d’agilité et d’autonomie pour prendre les bonnes décisions architecturales au regard des règlements de consultation et des performances environnementales visées. Le suivi de l’évolution de l’ACV à partir d’une maquette BIM permet de valider une orientation et une stratégie bas carbone avérée. Cette vision doit pouvoir être exposée, défendue et challengée par l’équipe projet.
- Lors des phases de conception, phase déterminante où tous les acteurs vont avoir un rôle à jouer dans le choix des matériaux, la nécessité de suivre en temps réel l’évolution des morphologies est capitale pour maîtriser l’atteinte des objectifs environnementaux. La notion de collaboration prend une dimension stratégique forte à chaque modification de projet jusqu’à la phase marché.
- Au cours de la phase de réalisation, le BIM facilite la traçabilité des quantitatifs, l’évolution du choix des matériaux, ainsi que leur identification visuelle par le biais des maquettes numériques. Les choix et préconisations qui sont exposées lors de cette phase de réalisation doivent pouvoir être rapidement identifiées, mesurées, et justifiées soit par les prescripteurs, soit par les entreprises, et ce sur tous les lots et de façon détaillée.
3) Le contrôle de l’ACV à partir d’une maquette BIM :
Le BIM permet le contrôle de l’impact carbone des matériaux choisi à un instant T issus des composants 3D d’un projet. Une estimation plus ou moins exhaustive peut être automatiquement générée en fonction du niveau de géométrie et de données. L’analyse et la vérification graphique en 3D assurent une compréhension des enjeux et de la trajectoire du projet de façon simple et rapide, quelle que soit la phase du projet.
- En concours, pour valoriser les démarches les plus ambitieuses,
- En conception, pour prendre les meilleures orientations environnementales,
- En réalisation, pour garantir l’atteinte des performances visées.
La précision et l’accès immédiat aux données de quantitatifs dès le début du projet jouent un rôle déterminant dans l’assurance de l’exactitude des calculs de l’ACV. L’utilisation du BIM permet aux acteurs de disposer d’un moyen fiable de générer, suivre, et contrôler l’ACV via une maquette numérique.
L’approche OpenBIM
L’OpenBIM représente une méthodologie ouverte et collaborative qui s’appuie sur les modèles 3D. Il implique l’utilisation de formats standards qui peuvent être lus et édités par tout type de logiciel. Cela favorise ainsi l’interopérabilité et la collaboration entre les acteurs de l’équipe.
Dans le cadre d’une démarche Open BIM et de l’utilisation d’une maquette numérique au format IFC 2×3, cette approche est particulièrement adaptée pour les Maîtrises d’Ouvrage, les Architectes et les Bureaux d’Études Techniques. L’OpenBIM permet à ces acteurs de collaborer efficacement, en partageant des données cohérentes et accessibles à tous les intervenants, facilitant ainsi la prise de décisions basées sur des analyses environnementales précises.
L’open BIM offre plusieurs spécificités :
1) Collaboration interdisciplinaire :
L’openBIM, grâce à son utilisation de formats de fichiers ouverts, favorise une collaboration fluide entre les différents professionnels impliqués dans un projet, indépendamment des logiciels utilisés par chacun. Cette interopérabilité est essentielle pour intégrer et harmoniser les données d’ACV dès les phases amont du projet, permettant ainsi un pilotage éclairé basé sur une évaluation environnementale complète.
2) Interopérabilité traçabilité des données :
L’open BIM favorise l’échange de données entre les différents logiciels utilisés par les acteurs du projet, permettant ainsi une transmission des données accessible à tous. Cette interopérabilité garantit que tous les participants peuvent travailler avec les mêmes informations actualisées, ce qui est primordial pour la précision des calculs d’ACV.
En utilisant des formats de fichiers ouverts et standardisés, l’Open BIM assure une transparence totale des données et des processus de calcul. Cela permet aux acteurs du projet de vérifier facilement la provenance des données environnementales et leur conformité avec les normes en vigueur, renforçant la fiabilité des analyses d’ACV.
3) Flexibilité dans le choix d’utilisation de plateformes de calcul ACV :
Grâce à l’OpenBIM, les acteurs peuvent intégrer des outils spécialisés dans l’ACV, sans être limités par un éditeur de logiciel spécifique. Cela ouvre l’accès à une variété plus large de solutions innovantes et spécialisées en matière d’ACV, favorisant l’adoption des meilleures pratiques et technologies disponibles.
4) Optimisation des coûts et du temps :
L’efficacité de la collaboration et l’échange de données fluides réduisent les risques d’erreurs et de redondances, économisant ainsi du temps et des coûts dans la réalisation des études d’ACV et dans les modifications de projets. L’optimisation des ressources est essentielle pour respecter les délais et les budgets, tout en atteignant les objectifs de durabilité.
Grâce à l’utilisation de la plateforme Open BIM Time To Beem, Icade a pu aborder efficacement la problématique de mesure et de pilotage de l’impact carbone dans un de ses projets de construction. Cette collaboration a permis à la Maîtrise d’Ouvrage de bénéficier d’une vision transparente et d’un contrôle sur les enjeux carbone. Retrouvez leur témoignage ici.
L’approche Closed BIM
À l’opposé de l’Open BIM, le Closed BIM est un environnement de travail “fermé”, consistant à utiliser des solutions compatibles provenant d’un même éditeur logiciel, limitant l’échange d’informations à des partenaires spécifiques qui utilisent les mêmes outils.
Dans le cadre d’une démarche Closed BIM et de l’utilisation d’une maquette numérique au format Revit Autodesk (.rvt), cette approche est particulièrement adaptée pour les utilisateurs Revit, mais surtout les Architectes tournés vers l’ingénierie ACV ou les agences d’architecture et d’ingénierie intégrées. Cette approche est particulièrement plébiscitée par ces acteurs qui sont parfois moins familliés au format IFC ou pour toutes les facilitées que propose Autodesk :
1) L’efficacité opérationnelle :
En raison de l’intégration étroite entre les différents outils d’un même éditeur, le Closed BIM peut offrir une efficacité opérationnelle supérieure, avec des échanges de données plus fluides et une compatibilité logicielle optimisée. Pour les acteurs, cette efficacité se traduit par des gains de temps et une réduction des coûts associés à la gestion des incompatibilités logicielles.
2) L’ uniformité et le contrôle des données :
En utilisant un système closed BIM, tous les acteurs du projet travaillent avec les mêmes logiciels et formats de données, ce qui facilite la gestion et le contrôle des informations. Cette uniformité assure que les données utilisées pour les calculs d’ACV sont cohérentes et fiables, réduisant les risques d’erreurs dues à des conversions de format ou à des incompatibilités logicielles.
3) Communauté et Support :
La communauté d’utilisateurs Autodesk est vaste et dynamique à travers le monde, offrant un soutien et des ressources considérables pour les professionnels.
4) Technologies intégrées qui propose Autodesk :
L’accès à des outils de programmation comme Dynamo ou des macros en C++ permet l’automatisation de processus complexes ou l’affectation de données. Ces technologies, bien qu’elles requièrent une expertise spécifique, facilitent la connexion avec des bases de données (comme Inies).
5) Suite d’outils intégrés
La suite d’outils offerte par l’écosystème Autodesk, en particulier les plugins, joue un rôle pivot dans l’intégration et l’efficacité des logiciels métiers dédiés au calcul de l’Analyse du Cycle de Vie (ACV) dans un environnement Closed BIM. L’existence de plugins spécifiques pour Revit illustre la manière dont Autodesk facilite la personnalisation et l’extension des fonctionnalités de ses logiciels pour répondre aux besoins précis des professionnels de la construction et de l’ingénierie environnementale. Pour les éditeurs de logiciels spécialisés dans l’ACV, la création d’un plugin compatible avec Revit devient quasi inévitable pour assurer une intégration fluide et une interaction efficace avec les maquettes numériques.
Pour un éditeur de logiciel, s’intégrer dans cet écosystème ne signifie pas seulement accéder à une base d’utilisateurs bien établie ; cela implique également de participer à un échange continu d’innovations et d’améliorations, bénéficiant ainsi de la dynamique de développement collaborative qui caractérise la communauté Autodesk.
Bien que le Closed BIM offre de nombreux avantages en termes d’efficacité opérationnelle et de cohérence des données, il comporte un inconvénient notable : la dépendance à un unique éditeur de logiciel. Cette approche limite la diversité des outils disponibles pour le projet, ce qui peut être restrictif, étant donné que tous les professionnels impliqués dans un projet de construction ne nécessitent pas systématiquement de réaliser des calculs ACV ni d’utiliser un logiciel spécifique comme Revit. Cette contrainte souligne la nécessité d’une réflexion stratégique sur le choix de l’approche BIM pour s’assurer qu’elle corresponde bien aux besoins et capacités de tous les acteurs du projet.
Conclusion
L’exactitude des données de quantitatifs s’avère être un fondement critique dans la gestion de l’empreinte carbone des projets de construction. Ces données ne constituent pas seulement une base fondamentale pour les initiatives environnementales, mais elles marquent également le point d’ancrage initial pour toute action visant à réduire l’impact écologique.
Au cœur de cette dynamique, la maquette numérique BIM émerge comme un outil incontournable, offrant la précision et la fiabilité nécessaires pour construire un environnement collaboratif efficace. À travers le prisme du BIM :
- Les usages s’articulent autour de la capacité à générer, suivre, et optimiser les calculs d’ACV, adaptant l’approche selon le rôle de chaque intervenant dans le processus BIM ACV.
- La diversité des participants au workflow BIM ACV signifie que les méthodes, formats, outils, et défis varieront. Ce qui requiert une approche flexible et adaptée aux besoins spécifiques de chaque projet.
- La structuration des données et leur association à des bases de données externes permettent de générer des calculs précis, soulignant l’importance de choisir les outils et méthodologies adéquats en fonction de l’organisation de l’équipe projet.
- Les différences en termes d’outils utilisés par les différents membres de l’équipe projettent des défis uniques en matière d’interopérabilité et de transmission des données. Il est essentiel de trouver un équilibre et une méthode qui correspondent au contexte spécifique du projet et à ses objectifs stratégiques et méthodologiques.
Visualiser ces informations de manière claire et localisée est déterminante pour permettre aux acteurs de concevoir des bâtiments dont l’impact environnemental est le plus bas possible, en alignement avec les seuils RE2020 fixés pour 2025 et 2028. Le BIM, en tant que catalyseur de précision et de collaboration, joue un rôle pivotal dans l’atteinte de ces seuils, marquant ainsi une étape déterminante vers une construction plus durable et responsable.
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